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jeudi 26 juillet 2012

Surendettement : risque premier pour les professionnels de la microfinance


Résumé du rapport d’enquête Microfinance Banana Skins 2012

« Rester pertinent » c’est le titre en forme de défi du nouveau rapport Microfinance Banana Skins sur les risques perçus en microfinance. Cette formule employée par l’un des répondants à l’enquête illustre un sentiment partagé par les professionnels de la microfinance. Un impératif se dégage : garder le cap pour continuer à offrir un service juste et adapté. Pour beaucoup la microfinance est à un stade de transition et d’ouverture qui influera fortement sur la forme à venir de ce secteur évolutif.
Le message général révélé par l’enquête est que les risques immédiats liés à la crise financière mondiale et aux controverses sur la mission de la microfinance se sont atténués, mais que des questions demeurent sur son orientation future. 

Surendettement : un risque placé en tête en 2012

C’est le principal enseignement de l’enquête 2012 : le surendettement est actuellement perçu comme le risque le plus saillant pour le secteur. Plus de 60% des répondants à l’enquête l’ont classé comme un risque très sérieux, lui attribuant un score de 4 ou 5 sur l’échelle de gravité de 5. Il est globalement considéré comme symptomatique de difficultés plus profondes : excès de crédit dû à une très forte expansion et à l’entrée de nouveaux prestataires, manque de professionnalisme des IMF, concentration sur la croissance et les bénéfices au détriment de la prudence. Il est aussi lié au risque de crédit (n°4), associé à la forte exposition des IMF à l’activité de crédit dans une période d’incertitude économique et d’impopularité des banques.
Le risque de surendettement est-il croissant ou décroissant ? Il est intéressant de noter que les avis divergent sur cette question. Pour les plus pessimistes, les changements structurels intervenus dans le secteur (intensification de la concurrence, plus grande facilité d’accès aux marchés, érosion des normes d’octroi de crédit) vont contribuer à perpétuer l’endettement multiple, voire à l’aggraver. Pour les plus optimistes, le problème est limité à un nombre décroissant de pays et les conséquences sur le bilan devraient être apurées au cours des 12 prochains mois.
L’enquête en bref 
Le rapport Microfinance Banana Skins 2012 présente les résultats d’une enquête menée auprès d’un échantillon international d’opérateurs, d’investisseurs, d’autorités réglementaires et d’observateurs du secteur de la microfinance.

Il se fonde sur les réponses de 360 personnes de 79 pays, recueillies en avril et mai 2012. 
 

Le questionnaire comprenait trois parties : 
 
-la première consistait à demander aux enquêtés de détailler, avec leurs propres mots, leurs principales préoccupations concernant l’avenir du secteur à 2-3 ans ;
 -dans la deuxième partie, ils devaient classer une liste de risques potentiels prédéfinis en fonction de leur importance perçue ;
-dans la troisième partie, ils étaient invités à donner leur avis sur l’état de préparation des IMF aux risques identifiés.

L’enquête concentre son analyse sur les IMF détenant plus de 5 millions USD d’actifs, rentables et dotées d’un potentiel de croissance. Elles seraient au nombre de 650 d’après les estimations du MIX et représenteraient plus de 80% des actifs de microfinance dans le monde.
Note importante : Le format de l’enquête a été révisé cette année, ce qui réduit un peu la comparabilité des résultats par rapport à ceux des années précédentes. Par exemple, le risque qui arrivait en tête en 2011, le risque de réputation, n’était pas présent en tant que tel dans la liste des risques à classer dans le questionnaire 2012.

La qualité de la gestion interne des IMF en question

Sur les 12 premiers risques, huit sont ce qu’on pourrait appeler des « risques institutionnels », c’est-à-dire qui sont sous le contrôle de l’IMF elle-même. La gouvernance (n°2) est largement perçue comme inadaptée et incapable de fournir à l’institution un leadership solide garantissant une gestion saine de la croissance. La qualité du management (n°3) est considérée comme insuffisante dans de nombreux marchés, en particulier ceux sur lesquels les IMF ont tendance à employer des pratiques de crédit agressives pour nourrir la croissance.
Plus précisément on retrouve la qualité de la gestion des risques (n°6) et la gestion des clients (n°7) en tête des préoccupations, cette dernière reflétant l’insuffisance de la prise en compte des besoins et capacités financières des clients. Les doutes relatifs à la qualité de la gestion du back-office (n°12) mettent en cause l’efficacité du contrôle interne et l’efficience générale. Quant au risque de dérive de mission (n°11), il traduit les inquiétudes vis-à-vis d’une tendance qui placerait la recherche de profit avant l’objectif de service aux pauvres.
Les quatre autres sont des risques externes (ingérence politique et réglementation par exemple), mais ils peuvent aussi dans une certaine mesure constituer une réponse de l’environnement extérieur au comportement de l’IMF.
Cela implique dans tous les cas que beaucoup de ces risques pourraient être réduits par un plus grand professionnalisme des IMF. Naturellement ne perdons pas de vue que ce type de généralisation cache des disparités fortes. Beaucoup d’IMF sont gérées avec une grande rigueur professionnelle. Mais ce ne sont pas celles qui font le plus parler d’elles, ni qui influent le plus sur la qualité du secteur.

Risques externes : ingérence politique et concurrence en tête

Le risque d’ingérence politique (n°5) reste élevé en raison de la perception négative qu’ont beaucoup de politiques du niveau des taux d’intérêt pratiqués et de l’éthique des pratiques des IMF. La perception d’un déclin de la qualité des services de microfinance et des normes appliquées par le secteur est pour beaucoup associée à la pression de la concurrence (n°8) qui continue à croître dans la plupart des marchés.
Une inquiétude porte sur les conséquences sur l’accès au financement d’une offre excessive et d’une réputation ternie. Le risque de liquidité passe du 16ème au 10ème rang, l’insuffisance des financements gagne 6 places. Le risque macroéconomique (n°13) grimpe aussi dans l’échelle des préoccupations.

Différences géographiques et par type de répondant 

Si l’on s’intéresse aux réponses par type de répondant, on observe que les opérateurs sont principalement préoccupés par le surendettement et le risque de crédit, tandis que les autres catégories (investisseurs, régulateurs et observateurs) placent les risques institutionnels comme la gouvernance et la qualité de gestion plus haut dans le classement.
Sur le plan géographique, le surendettement et le risque de crédit sont très forts dans la plupart des régions, à l’exception notable de l’Asie. Dans cette région, les risques de liquidité et d’ingérence politique viennent en tête, reflétant les récentes controverses politiques en Inde et traduisant les inquiétudes sur leurs conséquences pour l’accès au financement. Par ailleurs, l’Inde a imposé des contrôles sur les emprunts multiples, ce qui tend à faire baisser la préoccupation relative au surendettement. D’une manière générale, les préoccupations liées à la santé et à l’image de la microfinance sont communes à toutes les régions, mais les autres risques comme la qualité du management, l’intensité de la concurrence, la pertinence de la réglementation ou l’accès au financement tendent à être localisés.
Classement des risques en 2012 (classement 2011 entre parenthèses)
Risques les plus importants
1 Surendettement (-)
2 Gouvernance (4)
3 Qualité du management (7)
4 Risque de crédit (1)
5 Ingérence politique (5)
6 Qualité de la gestion des risques (-)
7 Gestion des clients (-)
8 Concurrence (3)
9 Réglementation (6)
10 Liquidité (16)
11 Dérive de mission (9)
12  Back office (13)
13 Risque macro-économique (17)
14 Ressources humaines (8)
15 Risques externes (-)
16 Gestion de la technologie (11)
17 Insuffisance des financements (23)
18 Taux d'intérêt (coût de financement) (21)
19 Excès de financement (22)
20 Risque de change (24)

Ce coup de projecteur a été réalisé à partir de :
Microfinance Banana Skins 2012 - The CSFI survey of microfinance risk: Staying relevant, Centre for the Study of Financial Innovation, juillet 2012, 54 p.
Sur les précédentes parutions, voir : 
@lamicrofinance.org 

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