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lundi 10 octobre 2011

LE PLAN MAROC VERT: STRATÉGIE, OBJECTIFS ET GOUVERNANCE DE MISE EN ŒUVRE


L’Agriculture marocaine évolue dans un contexte général de production difficile, subissant l’impact négatif de nombreux dysfonctionnements et contraintes. On peut citer en particulier : 
 le morcellement excessif des exploitations agricoles et la complexité du statut juridique du foncier ;

  • la faible capacité d’investissement ; 
  •  l’irrégularité des précipitations ; 
  •  un assolement dominé par la céréaliculture ; 
  •  la gestion traditionnelle des exploitations, le faible degré d’organisation des producteurs et l’inadaptation des structures d’encadrement. 

Toutefois, le secteur agricole recèle des atouts réels à exploiter, tels que : 


  •  la situation géographique stratégique du Maroc et la proximité du marché européen ; 
  •  le potentiel important du marché national ; 
  •  la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée et compétitive et d’un savoir-faire local ; 
  •  les avantages comparatifs avérés pour plusieurs produits ; 
  •  la présence, au niveau national, de plusieurs modèles d’entreprises agricoles et agro-industrielles réussis. 

L’agriculture marocaine doit par ailleurs faire face à des enjeux socio-économiques importants: 

  •  impact sur la croissance (20% environ du PIB) ; 
  •  impact sur la stabilité macro-économique, notamment sur la balance commerciale (1,2 Md d’euros d’exportions contre 1,0 Md d’euros d’importation) ;
  •  impact sur l’emploi et sur la stabilité en milieu rural pour un tissu de producteurs très fragile (49% des ménages marocains sont des ruraux) ; 
  •  le poids économique de l’agro-industrie (450 millions d’euros d’exportations et 60.000 emplois) ; 
  •  les enjeux d’accès (qualité/prix) pour 30 millions de consommateurs. 


En vue de répondre à la problématique posée par ce contexte général, une nouvelle stratégie "le Plan Maroc Vert" a été mise en place depuis 2008. 
Elle s’appuie sur une approche innovante, transactionnelle et pragmatique "l’Approche Projet" et une démarche plurielle de réforme structurelle profonde du paysage agricole national sans exclusivité pour tous les acteurs. 

L’objectif majeur visé par la mise en œuvre du Plan Maroc Vert consiste à faire du secteur agricole le principal levier de croissance économique du pays pour les 10 prochaines années et ce, à travers la concrétisation des objectifs spécifiques suivants :

  •  renforcer la part de l’agriculture dans le PIB : atteindre 100 Milliards de dirhams, soit le double du PIB agricole actuel ; 
  •  promouvoir l’emploi en milieu rural : créer 1,5 Millions d’emplois supplémentaires ; 
  •  accroître la valeur des exportations : réaliser des entrées en devises équivalentes à 44 milliards de dirhams ; 
  •  contribuer à la lutte contre la pauvreté en le milieu rural : améliorer le revenu agricole de 2 à 3 fois en faveur de 4 millions de ruraux ; 
  •  améliorer le niveau de sécurité alimentaire à partir de la production nationale. 


La déclinaison de mise en œuvre du Plan Maroc Vert  s’articule autour de  deux piliers essentiels consistant à réaliser des projets économiquement viables touchant l’ensemble des acteurs. 



  •  Le Pilier I, intéressant les acteurs modernes, vise le développement d’une agriculture performante et adaptée aux règles du marché grâce à des investissements privés. Ce pilier, qui concerne principalement les secteurs irrigués et les zones pluviales favorables, comporte la réalisation d’un millier de projets à haut degré d’intégration des maillons des filières ciblées. Les investissements globaux attendus à ce titre s’élèvent aux alentours de 75 milliards de dirhams  sur 10 ans dont 70 à 80% à la charge des acteurs privés. 


  •  Le Pilier II, dédié aux petits agriculteurs, orienté vers la lutte contre la pauvreté en augmentant le revenu des exploitations les plus fragiles moyennant des investissements sociaux (forte implication des pouvoirs publics, ciblage des bailleurs de fonds). Ce pilier, intéressant l’agriculture solidaire située en zones de montagne, oasiennes et pluviales à faibles précipitations, comporte la réalisation de plus de 500 projets de reconversion, d’intensification, de diversification ou de niche. Ils sont basés sur l’instauration d’une dynamique active de regroupement spatial des terrains ciblés afin d’atteindre des masses critiques de production. Ce chantier novateur nécessite de relever deux défis essentiels, en l’occurrence : 
    •  le montage foncier, en agissant sur de grandes étendues agricoles (pas moins de 3 000 ha) pour pallier le morcellement  et le caractère épars des parcelles.  
    • le montage organisationnel, en mettant en place une structure à double étage, capable de gérer le projet durablement : 
      • un premier étage qui groupe tous les producteurs en coopératives, constituées sur la base de la proximité géographique et l’entente sociale, dont la principale prérogative vise la standardisation  de la production pour améliorer la productivité, tant sur le plan quantitatif que qualitatif ;  
      • un deuxième étage  qui rassemble dans un Groupement d’intérêt économique (GIE), toutes les coopératives précédentes, avec éventuellement d’autres opérateurs, et qui vise la gestion de la valorisation et éventuellement la commercialisation. 

Les investissements globaux attendus pour ce pilier s’élèvent à plus de 20 milliards de dirhams sur 10 ans dont 70 à 80% à la charge de l’État et des bailleurs de fonds. 

La mise en œuvre de la stratégie du Plan Maroc Vert, depuis son lancement en 2008, à travers sa déclinaison en 16 Programmes agricoles régionaux, a abouti aux principales réalisations suivantes :  

  •  l’engagement de 15 Contrats programmes de développement des filières avec les interprofessions sectorielles concernées ; 
  •  La réalisation de 64 projets « Pilier I » ayant permis l’agrégation de 135 000 agriculteurs, la mobilisation de 16 Milliards de dirhams d’investissements et la création de l’équivalent de 87 000 emplois ; 
  •  La réalisation de 224 projets « Pilier II » ayant nécessité l’engagement de plus de 9 milliards de dirhams d’investissements au profit de 423 000 agriculteurs ; 
  •  La refonte du cadre sectoriel à travers :   
    • la mise en gestion privée des terres publiques et collectives (plus de 100 000 ha sous forme de plus de 400 projets avec un investissement de 24 milliards de Dh et la création de plus de 40 000 emplois) ; 
    •  la restructuration du ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime par le redéploiement des ressources de l’Etat, la focalisation sur les fonctions régaliennes et le transfert accru des fonctions opérationnelles vers le privé (gestion déléguée de  l’eau, conseil agricole…) et la création de 16 Directions régionales de l’Agriculture ; 
    • la création de l’Agence pour le Développement agricole pour la mise en œuvre des projets d’investissement et la gestion des partenariats avec les investisseurs ; 
    • la création de l’Agence nationale pour le Développement des zones oasiennes et de l’arganier comme structure de proximité adaptée aux besoins spécifiques des zones ciblées notamment en termes de développement durable et de préservation des ressources naturelles; 
    • la création de l’Office national de la sécurité sanitaire des aliments pour un contrôle efficace des denrées alimentaires, des matières premières, et la protection phytosanitaire des cultures, ainsi que le contrôle vétérinaire ; 
    • la réforme institutionnelle des structures représentatives des producteurs avec la création de 16 Chambres d’agriculture régionales aux prérogatives d’encadrement technique étendues ainsi que la mise en place de 15 interprofessions.

  Bachir Saoud, Directeur général de l'Agence nationale de développement des zones oasiennes et de l'arganier

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