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mardi 7 juin 2011

ITW accordée à Finance News


·         Quel bilan faites-vous de la microfinance au Maroc?

Le Maroc est un leader reconnu de la microfinance dans le monde arabe, servant 40 % des clients de la région MENA, il compte certaines des institutions de microfinance (IMF) les plus performantes au plan international.  

Cependant, depuis 2007, le secteur de la microfinance au Maroc est confronté à une crise sans précédent. Cette crise trouve son origine dans la croissance non maîtrisée du portefeuille des actifs, l’absence d’instruments efficaces de gestion des risques et le dépassement des capacités institutionnelles de certaines IMF notamment au niveau des politiques de crédit trop laxistes, des systèmes d’information et de gestion obsolètes et des lacunes au niveau du contrôle.

Ainsi, en décembre 2008, les portefeuilles à risques représentent 5% du portefeuille de prêt et un an plus tard, ils atteignent le niveau alarmant de 10%. En même temps, les abandons de créances ont considérablement augmenté, avec des répercussions négatives sur la rentabilité et la solvabilité des Institutions de MicroFinance (IMF) marocaines. En mai 2009, la Fondation Zakoura, qui est l’un des leaders de la microfinance au Maroc, enregistre un portefeuille à risques supérieur à 30%. Elle est alors contrainte de fusionner avec la Fondation de Banque Populaire pour le Microcrédit.
Fin 2009, le secteur de la microfinance au Maroc affiche un encours de 4,8 milliards de dirhams, soit un repli de 16% et 307 millions de dirhams de créances en souffrance, soit une progression de 2% par rapport à l’année précédente.

Actuellement, la situation se stabilise. Des mesures ont été prises pour assainir le portefeuille et permettre au secteur du microcrédit de prendre un nouveau départ. Les IMF ont mis en place des plans de redressement, qui consistent à renforcer la méthodologie de crédit, à donner plus d’importance au recouvrement des prêts.

Désormais, les IMF échangent régulièrement des informations sur les impayés de leur clientèle afin de contrôler les crédits croisés. Une centrale des risques est même en cours de mise en place. Grâce à toutes ces mesures, le secteur devrait retrouver une croissance normale et conserver sa place de leader incontesté de la microfinance dans le monde arabe.


·         Quels sont les axes d'amélioration pour éviter une nouvelle crise à ce secteur? Quel est le rôle des IMF et du gouvernement dans ce cas bien précis? les dispositions de BAM sont elles suffisantes pour palier aux insuffisances du secteur? 

Tout d’abord il faut rappeler que la réussite du secteur de la microfinance jusqu’en 2007 n’aurait pas
été possible sans l’appui du gouvernement marocain. La Loi sur la microfinance de 1999 a fourni un cadre clair pour le développement du secteur. Un soutien financier a été apporté par le biais d’un fonds public, le Fonds Hassan II. Le secteur a également bénéficié de l’appui de la communauté internationale des bailleurs de fonds. Enfin, une grande spécificité du secteur marocain du microcrédit réside dans l’engagement des banques locales : les banques commerciales ont créé deux des principales IMF et finançaient 85 % des actifs du secteur en 2008.

Le secteur marocain de la microfinance a promptement réagi. Pour restaurer la confiance et éviter tout effet de contagion au niveau des impayés, le gouvernement a organisé la fusion de Zakoura et de la Fondation des Banques Populaires. Il s'agit de la première opération du genre dans la région arabe.
Les banques commerciales locales ont maintenu leurs lignes de crédit et les institutions financières de développement n’ont pas exigé le remboursement de leurs prêts.

Au même moment, les IMF ont considérablement freiné leur croissance et ont réduit la taille de leur bilan. Elles ont également mis en place des plans de redressement d’envergure, consistant à renforcer leurs méthodologies de crédit, à constituer des équipes dédiées exclusivement au recouvrement des prêts et à engager des poursuites judiciaires contre les emprunteurs présentant des arriérés. Enfin, elles échangent régulièrement des informations sur les impayés de leur clientèle afin de contrôler le crédit croisé.

Ces mesures sont à même de faire émerger un nouveau secteur, plus mature, doté d’un système de centralisation des risques performant et de systèmes améliorés de gestion des risques. La part des clients ayant contracté des prêts multiples est ainsi passée de 39 % en octobre 2008 à 29 % en septembre 2009.

De son côté le gouvernement a mis en place, en collaboration avec la Bank Al-Maghrib (BAM) et la Fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM), un plan de consolidation du secteur. Les quatre priorités de ce plan sont : renforcer les IMF, contrôler le crédit croisé et prévenir le surendettement, sécuriser la liquidité du secteur pour les besoins futurs, et améliorer le cadre réglementaire. Ces mesures contribuent déjà à restaurer la confiance dans le secteur de la microfinance.




·         Quels sont les projets prévus pour les années à venir pour dynamiser le secteur du microcrédit? Quelle vision pour l’avenir du seceteur ?


Vu à un niveau plus opérationnel nous pouvons constater que face à des niveaux élevés de surendettement des clients et par conséquent la détérioration rapide de la qualité du portefeuille de prêts, le gouvernement marocain a élaboré un plan, en collaboration avec Banque Al-Maghrib (BAM) et la Fédération Nationale des Associations de Microcrédit au Maroc (FNAM) , pour rétablir la confiance et la crédibilité du secteur de la microfinance dans le pays. Dans le cadre de ce plan, le ministère des Finances a lancé une enquête en 2009 pour évaluer l'état actuel du secteur et de fournir des recommandations pour améliorer le cadre réglementaire en vue des derniers développements. Le gouvernement marocain a également étudié des options pour la consolidation du secteur et la transformation des IMF les plus importantes.
Ainsi, les amendements qui viennent d’être apportés à la loi qui régissant le microcrédit permettent:
L’exercice des activités de microcrédit, soit directement par une association de microcrédit, soit indirectement à travers une autre association de microcrédit ou une société anonyme agréée par Bank Al-Maghrib, en tant qu’établissement de crédit soumis aux dispositions de la loi 34-03, relative aux établissements de crédit et organismes assimilés.
la soumission des opérations de fusion de deux ou plusieurs associations de microcrédit, ainsi que celles relatives à l’absorption d’une ou plusieurs associations de microcrédit par une autre association, à l’octroi d’une nouvelle autorisation par le ministre chargé des finances, et ce après avis du conseil consultatif des microcrédits.


Une lecture plus intégrée, niveau de tout le secteur financier, nous fais dire que Le secteur Financier marocain, qui démontré une grande résilience face à la crise financière internationale, connaitrait de profonds mouvements notamment au niveau du low income banking.
En effet, des processus de donwscaling, certes longs et prudents, ont été amorcés par certaines banques de la place afin de mieux connaitre les comportements financiers des populations à bas revenu, ce qui doit aboutir à terme à une vraie offre bancaire pour ces  populations.
Mais sur ce segment les banques doivent compter aussi avec un nouvel entrant de taille qui prend de facto la place de leader en terme de densité du réseau, il s’agit de Barid Bank, la banque postale marocaine. Cette banque va certainement avoir de grandes ambitions au niveau des produits de crédits, notamment le crédit au logement en plus de leur rôle capital de collecteur de la petite épargne.
D’un autre côté, pour le secteur de la microfinance, qui emploi plus de 6000 personnes, la crise n’est pas encore derrière nous. Après une période de stagnation (2007/2008) le secteur a connu une  décroissance en 2009 passant de 1.250.000 clients actifs à 924.966 pour un encours de crédit de moins de 5 milliards de DH. Le portefeuille à risque se stabilise à une moyenne de  5,66 % mais atteint des proportions alarmantes chez  certaines petites IMF.
Dans cette phase de décroissance et d’assainissement du portefeuille, le secteur doit avancer sur deux chantiers importants. Il faut, d’une part, définir la stratégie et les modalités de transformation des grandes IMF et d’autre part, mettre en place le model de renforcement des petites IMF.
Au fait, il s’agir de définir clairement le rôle et la place du secteur de la microfinance dans le système financier marocain ainsi configuré. La banque centrale à un rôle important dans la définition de cette vision.
Enfin, dans le cadre de cette réflexion il faut tenir compte des deux oubliés du marché financier qui peuvent constituer un vrais levier de croissance. Je veux parler des TPE et les coopératives.

Enfin, une lecture plus stratégique nous permet de prévoir :

D’une part, un glissement d'enjeu de la promotion du microcrédit à celui plus ambitieux de création de systèmes financiers inclusifs et que l’évolution vers des services financiers ouverts à tous va se poursuivre.
On effet, tout laisse à croire que l’intérêt actuel pour la microfinance va s’intensifier au point d’inclure la plupart des pauvres qui n’ont pas encore accès aux services financiers. Ce qui voudrait dire que l'enjeu se déplacerait de celui de "promotion du microcrédit" à celui plus ambitieux, de "création de systèmes financiers ouverts à tous".
Dès lors, le devenir de l'offre de services financiers aux pauvres serait liée à l’évolution du secteur financier en général, et non plus seulement à quelques institutions spécialisées.

D’autre part, les bouleversements démographiques que connais le maroc peuvent être des éléments déterminants pour l'accès aux services financiers des prochaines années puisque la clientèle des services financiers sera plus jeune, plus urbaine et plus interconnectée et informée (les consommateurs des pays en développement seront plus que jamais reliés entre eux et au reste du monde grâce aux nouvelles technologies).
Du point de vue de l'accès aux services financiers, ces évolutions sont d'un côté, positives car elles permettront a priori de diminuer le coût des services mais de l'autre, elles posent la question du chômage des jeunes qui risque d'empirer et les questions primordiales seraient : comment le marché de l'emploi parviendra-t-il à absorber les nouveaux arrivants (création d'activités indépendantes ou emploi salarié) ? En quoi l'offre de services financiers innovants pourra aider ces jeunes sous-employés ou sans emploi à s'insérer dans le marché du travail ?

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