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mardi 7 juin 2011

Crise de la microfinance au Maroc : la croissance en cause In CGAP/Microfinance Gateway, mars 2010

Une croissance non maîtrisée a entraîné une grave crise d’impayés
Dans une note du CGAP récemment publiée (à paraître en français), Xavier Reille analyse les origines de la crise d’impayés qui a affecté le secteur de la microfinance au Maroc et cherche à savoir si les enseignements tirés de cette crise peuvent s’appliquer au-delà des frontières marocaines.

Peu de pays sont dotés d’un secteur de la microfinance aussi fort et dynamique que celui du Maroc. Reconnu comme un champion du microcrédit, servant 40 % des clients dans le monde arabe, il compte certaines des institutions de microfinance (IMF) les plus performantes au plan international. Cependant, depuis 2007, le secteur marocain du microcrédit est confronté à une crise : croissance exponentielle au détriment de la qualité des actifs, abandons de créances en cascade et rendements en chute. Les quatre plus grandes IMF marocaines – Zakoura, Al-Amana, Fondation Banques Populaires et Fondep – servent 90% des clients dans un secteur fortement concentré. Quelle est la cause de cette croissance incontrôlée ?

L’essor de la microfinance au Maroc

La réussite du secteur de la microfinance jusqu’en 2007 n’aurait pas
été possible sans l’appui du gouvernement marocain. La Loi sur la microfinance de 1999 a fourni un cadre clair pour le développement du secteur. Un soutien financier a été apporté par le biais d’un fonds public, le Fonds Hassan II. Le secteur a également bénéficié de l’appui de la communauté internationale des bailleurs de fonds. Enfin, une grande spécificité du secteur marocain du microcrédit réside dans l’engagement des banques locales : les banques commerciales ont créé deux des principales IMF et finançaient 85 % des actifs du secteur en 2008.

Les signes de la crise

 
En décembre 2007, la crise des impayés avait déjà débuté, mais son ampleur était encore dissimulée par la croissance exceptionnelle du portefeuille de prêts. Les impayés étaient déjà importants pour les prêts accordés au début de l’année 2007, mais l’essentiel du portefeuille, datant des six derniers mois, n’était pas encore exposé aux arriérés.

Les portefeuilles à risque (PAR) ont commencé à augmenter de manière significative entre 2003 et 2007, de 0,42 % à 1,9 %. En décembre 2008, le PAR > 30 était de 5 %, et il atteignait le niveau alarmant de 10 % en juin 2009. Les abandons de créances ont eux aussi considérablement augmenté avec un impact négatif sur la rentabilité et la solvabilité des IMF. En mai 2009, Zakoura, l’une des IMF marocaines leaders, annonçait un PAR > 30 de plus de 30 % et décidait de fusionner avec une autre institution, la Fondation des Banques Populaires, une grande IMF soutenue par une banque d’État solide. Les causes de la crise sont bien connues et peuvent se résumer en trois mots : croissance non maîtrisée.

La crise du secteur de la microfinance ne peut pas être mise sur le compte de la crise financière mondiale. Dans le cas du Maroc, les capacités institutionnelles des IMF ont été dépassées par une croissance sans précédent. Celle-ci s’est traduite par des politiques de crédit laxistes, des systèmes d’information et de gestion obsolètes, des lacunes au niveau du contrôle interne et une gouvernance trop faible.

La réponse de la communauté de la microfinance

Le secteur marocain de la microfinance a promptement réagi. Pour restaurer la confiance et éviter tout effet de contagion au niveau des impayés, le gouvernement a organisé la fusion de Zakoura et de la Fondation des Banques Populaires. Les banques commerciales locales ont maintenu leurs lignes de crédit et les institutions financières de développement n’ont pas exigé le remboursement de leurs prêts.

Dans le même temps, les IMF ont considérablement freiné leur croissance et ont réduit la taille de leur bilan. Elles ont également mis en place des plans de redressement d’envergure, consistant à renforcer leurs méthodologies de crédit, à constituer des équipes dédiées exclusivement au recouvrement des prêts et à engager des poursuites judiciaires contre les emprunteurs présentant des arriérés. Enfin, elles échangent régulièrement des informations sur les impayés de leur clientèle afin de contrôler le crédit croisé.

Ces mesures font émerger un nouveau secteur, plus mature, doté d’un système de centralisation des risques performant et de systèmes améliorés de gestion des risques. La part des clients ayant contracté des prêts multiples est ainsi passée de 39 % en octobre 2008 à 29 % en septembre 2009.

La réponse du gouvernement marocain

Le gouvernement a également mis en place, en collaboration avec la Bank Al-Maghrib (BAM) et la Fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM), un plan de consolidation du secteur. Les quatre priorités de ce plan sont : renforcer les IMF, contrôler le crédit croisé et prévenir le surendettement, sécuriser la liquidité du secteur pour les besoins futurs, et améliorer le cadre réglementaire. Ces mesures contribuent déjà à restaurer la confiance dans le secteur de la microfinance.

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Traduit de « Unsustainable Growth », Microfinance Voices, Microfinance Gateway, janvier 2010 

L’article est tiré de The Rise, Fall, and Recovery of the Microfinance Sector in Morocco, Reille X., CGAP Brief, déc 2009, 4 p. (à paraître en français). 

Pour en savoir plus

Profil pays du Maroc : http://www.lamicrofinance.org/resource_centers/profilmaroc

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