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mercredi 22 juin 2011

Cadre légal, réglementaire et institutionnel de la Microfinance en Tunisie

In www.lamicrofinance.org mise à jour en février 2011 par Laurent Lhériau

L’ensemble du secteur bancaire, Banque tunisienne de solidarité (BTS) comprise, est réglementé par le ministère des Finances et par la Banque centrale tunisienne. Les AMC sont réglementées et suivies par le seul ministère des Finances.

La seule forme juridique explicitement conçue pour exercer des activités de microcrédit de détail est l’association de microcrédit (AMC).

Les AMC relèvent du dispositif prévu par la Loi 99-67 du 15 juillet 1999 relative aux microcrédits accordés par les associations, établissant le programme de microcrédit de la BTS.

Les AMC doivent être créées en conformité avec la Loi 59-154 de novembre 1959 relative aux associations. Pour leur activité de crédit, elles doivent obtenir un agrément du ministère des Finances (les conditions requises comprennent la présentation d’un budget opérationnel et du CV du personnel).

Elles sont ensuite notamment soumises aux normes non prudentielles suivantes :

- Arrêté du ministre des Finances du 27 août 1999, fixant le montant maximum du microcrédit, les conditions de son octroi et de son remboursement, tel que modifié et complété par les textes subséquents

- Arrêté du ministre des Finances du 22 novembre 2001, portant approbation des normes comptables, à savoir :


La NC 32 : Norme comptable relative à la présentation des états financiers des associations autorisées à accorder des microcrédits,
La NC 33 : Norme comptable relative au contrôle interne et à l’organisation comptable dans les associations autorisées à accorder des microcrédits,
La NC 34 : Norme comptable relative aux microcrédits et revenus afférents dans les associations autorisées à accorder des microcrédits (notamment comptabilisation des créances douteuses et des intérêts)
- Arrêté du ministre des Finances du 5 juin 2002 relatif à la fixation des modalités de l’audit externe des comptes des associations autorisées à accorder des microcrédits.

Une fois l’agrément reçu, les AMC partenaires de la BTS ont reçu une subvention de démarrage de 15 000 DT et ont pu commencer leurs activités de crédit à partir des fonds prêtés par la BTS à un taux proche de zéro.

Les AMC sont autorisées à offrir à leur clientèle cible – catégories de population défavorisées et vulnérables – deux types de crédit :


Crédit à l’activité productive, d’un montant maximal de 4 000 DT, porté à 5 000 DT depuis le 29 décembre 2009.
Crédit à la consommation, d’un montant maximal de 700 DT, porté à 1 000 DT depuis septembre 2010.
Aucun autre service financier ne peut être proposé. Les AMC ne sont pas autorisées à collecter l’épargne.

Taux d’intérêt : l’évolution de la problématique

Jusqu’en septembre 2010, le taux d’intérêt applicable aux microcrédits était plafonné à 5% (sur solde restant dû), taux auquel s’ajoutait « une commission d’étude de dossier de 2,5 % flat du montant du microcrédit ». Ce plafond a été considéré comme l’une des contraintes majeures pour le développement de la microfinance.

L’association ENDA représentait un cas particulier en Tunisie. Cette association n’a pas été constituée en Tunisie, et à ce titre ENDA Inter-arabe est considérée comme le bureau de représentation d’une association / ONG étrangère. L’organisation a été autorisée à commencer ses activités en 1990 en tant qu’agence de développement social et économique et n’a débuté ses opérations de crédit qu’en 1995. En 2005, le ministère des Finances a fourni à ENDA l’autorisation d’appliquer des taux d’intérêt suffisants pour couvrir ses coûts, créant donc une exception au plafonnement des taux applicable aux AMC. Toutefois, ENDA n’opère pas en marge de la loi 99-67 et est soumise notamment aux obligations déclaratives prévues par les textes d’application de celle-ci.

Une réforme majeure a été adoptée pour toutes les AMC en septembre 2010 avec une modification de l’arrêté du 27 août 1999 ; l’article 3 (nouveau) dispose que « Les conditions de crédit susvisées (i.e. 5 % + 2,5 % « flat ») s’appliquent aux microcrédits accordés sur des ressources budgétaires mobilisées dans le cadre de conventions conclues avec la Banque tunisienne de solidarité (BTS).

Le taux d’intérêt des microcrédits accordés sur des ressources autres que celles susvisées tient compte des dépenses effectives nécessaires à l’octroi de ces crédits et notamment le coût des ressources, des opérations d’encadrement et de formation et les frais d’exploitation ».

Première (r)évolution.

Associations de microcrédit « nationales » et « étrangères » (ONG)

Une autre innovation consiste dans le visa de l’arrêté modifiant l’arrêté du 27 août 1999 : outre la loi organique n° 59-154 du 7/11/1959 relative aux associations, et la loi organique n° 99-67 du 15/07/1999 relative aux microcrédits accordés par les associations, est désormais visée « la loi organique n° 93-80 du 26/07/1993, relative à l’installation des organisations non gouvernementales en Tunisie ».

Une petite explication de texte est nécessaire.

Les AMC sont des associations constituées « conformément à la loi 59-154 ».
Celle-ci prévoit trois catégories d’associations :

- les associations simples, déclarées, subdivisées en fonction de leur activité

- les associations reconnues d’intérêt national

- les associations étrangères

Les associations étrangères sont « (…) les groupements présentant les caractéristiques d’une association qui ont leur siège à l’étranger, ou qui, ayant leur siège en Tunisie, sont dirigés par un comité directeur dont la moitié au moins est constituée par des membres étrangers. »

Les ONG (supposées internationales), telles que définies par la loi 93-80 du 26 juillet 1993, sont notamment les associations « dont les dirigeants ou membres sont ressortissants de plus d’un État, et qui exercent leurs activités à une échelle internationale ou régionale ». Elles rentrent dans ce cas dans la catégorie des associations étrangères telles que prévues à la loi 59-154".

Le visa nouveau signifie de manière implicite mais nécessaire qu’une association étrangère, d’abord reconnue en tant qu’ONG en Tunisie par décret (pris après avis du ministre de l’Intérieur et de celui des Affaires Etrangères), peut désormais solliciter un agrément du ministère des Finances pour effectuer des opérations de microcrédit dans le cadre de la loi 99-67.

L’évolution politique opérée en Tunisie en janvier 2011 pourrait encore accroitre cette possibilité, l'ouverture à toutes les ONG internationales (dans tous les domaines) ayant été annoncée par le gouvernement de transition.

Seconde (r)évolution.

Vers un secteur libéralisé ?

Cette réforme introduit donc :

- la possibilité, pour une AMC partenaire de la BTS, de prêter à un taux aux conditions du marché, sur ressources autres que celles de la BTS (par exemple au moyen de ses fonds propres ou d’emprunts auprès du secteur financier) ;

- la possibilité, pour une « ONG internationale », de demander à exercer en Tunisie, ce qui constitue une généralisation de l’autorisation particulière qui avait été donnée à ENDA en 2005 ;

- la possibilité, pour d’autres acteurs économiques ou sociaux tunisiens, de créer d’autres AMC opérant aux conditions du marché.

A titre illustratif, une des plus importantes AMC du Maroc, la FBPMC, est une émanation d’un grand groupe bancaire marocain, les Banques Populaires. Rien n’interdit désormais à une banque commerciale tunisienne de procéder de la même manière en créant « son » AMC, qu’elle refinancerait, ce qui lui permettrait d’attaquer le marché du microcrédit avec un véhicule juridique spécifique. Rien n’interdit non plus à une ONG internationale, de créer une succursale qui, après obtention des agréments nécessaires, pourrait pratiquer le microcrédit en Tunisie aux conditions du marché.

Cette modification en apparence technique de l’arrêté du 27 août 1999 constitue donc une possibilité de changement majeure pour le secteur, tant pour les AMC existantes, partenaires de la BTS, que pour d’autres acteurs nationaux ou internationaux.

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