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mercredi 29 février 2012

L’INDH sort l’artillerie lourde

Depuis 2005, sortir de la précarité fait partie des objectifs du millénaire, pour ne pas dire son objectif premier. Les moyens matériels sont mobilisés, la méthodologie fixée, mais le gouvernement est encore attendu sur des thématiques sensibles comme la hausse des salaires, la redistribution des revenus, l’organisation de la solidarité et les politiques sociales.
5.000.000 : c'est le nombre de marocains concernés par l'INDH qui a mobilisé 11.000 personnes autour de 22.000 projets structurants.DR

 
"L’INDH ne vise pas à remplacer les politiques publiques”, c’est ainsi qu’on pourrait résumer “les conclusions” de Mme Guermai, gouverneur, chargée de l’INDH (Initiative Nationale pour le Développement Humain). N’empêche que cette initiative lancée par le Souverain en 2005 a été et demeure la pierre angulaire d’une action homogène et coordonnée dans la lutte contre la pauvreté. En effet, la précarité sociale est un problème avéré et cruel, qu’affrontent nombre de pays de par le monde et que l'Organisation des Nations Unies (ONU) a voulu placer comme un défi majeur de ce troisième millénaire. Le Maroc s’est inscrit sans tarder dans ce challenge et a adopté l'INDH.
Cette approche structurée et adaptée aux spécificités du pays a bénéficié de l’apport méthodologique et d’une enveloppe de 7 milliards de dollars, pour aider à sortir de la précarité, ceux hélas nombreux, qui y font face. Nous sommes aujourd’hui à la deuxième phase de l’INDH. La première, a bénéficié à 5 millions de Marocains, mobilisé 11 000 personnes autour de 22.000 projets structurants. On s’accorde à juger l’expérience porteuse et ayant déjà donné des résultats encourageants. Si on prend l’exemple de l’auto-emploi, des régions entières, bénéficiaires du programme de l’Initiative ont enregistré des progrès évidents dans la lutte contre la précarité. “Nous soutenons des associations au sein desquelles des populations pauvres se sont organisées, à hauteur de 70%. C’est une manière pour nous de préserver la dignité des personnes que nous aidons, sans prendre le risque de les déconsidérer,” explique Mme le Gouverneur.
Il est à rappeler que l’action de l’INDH vise simultanément deux objectifs: le premier est orienté vers la personne humaine et le second facilitant l’accès aux infrastructures de base et à l’employabilité. Sur le plan théorique, cela semble d’une portée incontestable que personne ne peut ignorer. Mais de là à imaginer que l’action est présente et efficace partout et pour tous, serait un leurre. Certes, les efforts déployés ont été colossaux, mais les besoins le sont d’avantage encore. Ainsi, dans des régions comme celle d' Azilal, les gens continuent à vivre avec 200 DH par an de revenus monétaires, ce qui peut sembler incroyable. Alors que faire, quand sur le terrain, les attentes sont si grandes? Notamment de la part des pouvoirs publics: “Nous avons besoin que des entreprises et des industries s’installent dans notre ville.
Certes, il y a la cimenterie de M. Sefrioui, mais cela reste insuffisant. Nous sommes attachés à notre région. Nous y avons notre famille et nous voudrions y rester. Mais cela n’est pas possible sans moyens de subsistance que seul le travail peut nous garantir. Nous n’avons donc d’autres choix que de quitter notre territoire pour des villes proches, comme Settat, Berrechid ou Casablanca”, explique M’hamed, conducteur de charrette( “karroussa”) à Ben Ahmed où l’impact de l’action n’est pas visible. Mais créer ou encourager des Activités Génératrices de Revenus (AGR) n’est pas chose aisée et nécessite la réunion de plusieurs conditions. Par exemple, la volonté et l’assistance des autorités locales pour aider ceux qui sont successibles de s’installer à leur compte et d'intégrer le circuit productif. Comme la simplification des procédures administratives et l’accès au financement. Sans néanmoins se substituer aux bénéficiaires qui devraient rester, en dernier ressort, les promoteurs de leurs projets.
Il n’empêche qu’à l’actif de l’INDH, les actions sont multiples. Mais elles s’appuient essentiellement sur des associations et des ONG: “Sur les quelque 50 000 associations que compte le Maroc, 6. 000 travaillent dans le cadre de l’INDH. Elles fournissent un travail exceptionnel et je les en remercie. Certaines travaillent dans le milieu rural, d’autres dans l’urbain, dans le cadre de la lutte contre la précarité et de celui des programmes transversaux”, poursuit Mme Guernaii. Par ailleurs, et selon elle, il y aurait 500 associations de bienfaisance qui travaillent sur l’aspect juridique, la santé (physique et mentale), le travail, la réinsertion familiale et socio-professionnelle. On compte également nombre d'associations culturelles et sportives, autant dans les villes que dans les campagnes du Royaume L’objectif dans ces cas là n’étant pas purement économique, mais plutôt de nature à améliorer la qualité de vie des habitants. Cela aura nécessité un investissement colossal: 14,1 milliards de dirhams, dont 8,4 milliards ont été versés par l’INDH.
Le chemin est encore long
Quel bilan peut-on faire de ces actions? Positif à tous points de vue. Reste que le domaine de l’action de l’INDH devrait aller au delà de la lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale. C’est dire que, si importante soit l’action de l’INDH, dont personne ne conteste la validité, ni la portée, elle demeure néanmoins un axe, certes important, mais un axe seulement qui a besoin d’être soutenu par d’autres intervenants, vers d’autres orientations.
Les ONG, dont nous dirons un mot plus loin, apportent un complément précieux à l’action de l’Initiative Nationale. Tout comme il reste à faire, et à structurer des actions de solidarité, à connotation religieuse. Pour autant que cette dernière échappe à toute déviation politicienne. En fait, le défi est la reconnaissance de la dignité humaine et à l’échelle d’un pays la cohésion sociale. Or, l’exclusion sociale et la précarité concernent un large éventail de catégories dont les femmes en situation de grande précarité, les jeunes et les enfants des rues, les ex-détenus sans ressources, les enfants abandonnés, les personnes handicapées sans ressources, les personnes âgées démunies, les malades mentaux sans-abris, les mendiants et les vagabonds.
A l’actif du travail sur le terrain de l’INDH, l’identification de deux nouveaux groupes: les toxicomanes sans ressources et les sidéens sans ressources. Il existe aussi d’autres catégories de précarités, de vulnérabilités des Marocains aux intempéries, aux maladies et à la perte d’ emploi, et il n’y a pas encore de mesures concrètes prises dans cette direction. Dans un rapport daté de janvier 2010, Larbi Toumi, ingénieur d’Etat et rédacteur d’un rapport sur l’INDH, relevait la nécessité de diversifier les sources de revenus pour les bénéficiaires des programmes de développement. Certes, générer les Activités Génératrices de Revenus (AGR) est louable et nécessaire, principalement pour les plus démunis.
Mais c’est également une manière de fixer les populations dans le milieu rural et d’arrêter, par la même, l’exode rural. Il demeure que sur le terrain, la réalité est toujours aussi cruelle et notamment dans les petites agglomérations. Il suffit de descendre dans le Sud du pays pour voir dans la région d' Ouarzazate et ses villes satellites, par exemple, des hordes d’enfants chercher pitance. Ceux- là sont à l’évidence visés par les programmes de l’INDH, mais qu’en est-il de ceux qui vivent avec 1000 DH par mois?
D’autres survivent contre vents et marées et tentent leur chance à la ville. Pour combien de temps? En guise de conclusion à ce stade- ci, on ne peut sous-estimer néanmoins l’apport de l’INDH. Non seulement quant aux résultats quantifiables, mais également, et peut-être surtout, sur la méthodologie et l’orientation de l’action d’une telle initiative. Mais l’INDH ne constitue pas la “potion magique” qui va résoudre tous les problèmes inhérents à la pauvreté, à la précarité et à tous les autres maux dont soufre la société marocaine, elle-même, faut-il le rappeler, en pleine mutation.
Les Dégâts collatéraux de la précarité
Un intitulé pareil peut prêter à confusion. Mais il n’en est rien, comme on ne va pas tarder à s’en apercevoir.Tous les textes qui émaillent ce dossier ont pour objet commun de pointer les différents aspects ou plutôt les méfaits dont souffrent nombre de nos concitoyens qui vivent dans la précarité. Mais il n’est pas déplacé -nous semble-t-il- de mentionner également les”nuisances”que cette précarité génère. Tout un chacun ne peut ignorer le vaste “souk” que sont devenus différents quartiers des villes.
Les marchands ambulants font partie, depuis un certain temps, du paysage urbain. Les marchands de fruits et légumes“squattent” des rues entières, devenues de ce fait interdites à la circulation. Que dire des dérangements causés aux habitants de ces rues? Et encore plus des commerces qui s’y trouvent. Le Boulevard Mohamed V et la rue piétonne Moulay Abdallah à Casablanca sont défigurés durant la plus grande partie de la journée. La puissance publique est quasi absente. N’est-il pas envisageable de “réguler” ce commerce sauvage, tout en sauvegardant un tant soit peu, les intérêts des uns et des autres?
Notamment ceux- là même dont viennent les nuisances. On ne peut terminer ce papier sans mentionner un autre sujet plus pénible encore : la mendicité. Avérée, et surtout celle qui est déguisée, prend des proportions sans cesse plus importantes. Au point d’ajouter à la congestion déjà notoire de la circulation à Casablanca. Sans oublier, enfin, le sentiment d’insécurité qui peut en découler.

Noredine El Abbassi @challengemaroc.com

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