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jeudi 5 janvier 2012

Mettons fin à l'exclusion bancaire

Point de vue | LEMONDE | 30.12.11 | 14h26

Percevoir son salaire, payer ses factures, bénéficier de prestations sociales, financer un projet... Tous ces actes essentiels du quotidien nécessitent de disposer de produits et services bancaires. Pour autant, sommes-nous véritablement tous égaux devant l'accès et l'usage de ces produits et services bancaires ? Rien n'est moins sûr... Faute d'avoir été éradiqué, le processus d'exclusion bancaire s'aggrave.

Posséder un compte bancaire ou une carte de crédit ne suffit pas, encore faut-il pouvoir les utiliser dans de bonnes conditions et bénéficier de conseils adaptés !
L'exclusion bancaire ne se limite en effet pas à des difficultés d'accès. Elle relève aussi de difficultés d'usage liées à des produits et services bancaires inadaptés qui pénalisent les clients les plus fragiles : utilisation de découverts non autorisés, incompréhension des modalités des crédits renouvelables, mauvais fonctionnement du compte générant des frais d'incident en cascade pouvant aller jusqu'au fichage, etc.
D'autres chiffres, plus alarmants, éclairent la réalité du problème : aujourd'hui, dans notre pays, 1,7 million de personnes sont "interdites bancaires", 2,5 millions sont inscrites au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. Pas moins de 200 000 dossiers de surendettement sont déposés chaque année à la Banque de France. Et ce chiffre est en constante augmentation depuis vingt ans !
Convaincus que la lutte contre l'exclusion bancaire est l'un des leviers possibles et souhaitables de la lutte contre l'exclusion, nous alertons l'opinion publique tant sur l'ampleur du phénomène que sur ses conséquences sociales, souvent dramatiques : diminution du reste à vivre, renoncement à financer certains besoins ou projets fondamentaux, malendettement pouvant mener au surendettement, mal-être personnel et familial...
Est-il ainsi acceptable qu'un ménage à faibles revenus voie son budget amputé d'une centaine d'euros de frais bancaires par mois ? Quand pourra-t-on enfin offrir à chaque personne solvable un crédit amortissable à taux modéré au lieu de ne lui laisser comme autre choix que le crédit renouvelable, difficilement maîtrisable ?
Quelles qu'en soient la cause ou la conséquence, l'exclusion bancaire va toujours de pair avec l'exclusion sociale. Loin de ne concerner que les personnes fragiles, cette forme d'exclusion menace également les classes moyennes malendettées dont les ressources financières se trouvent parfois fragilisées à la suite d'un accident de la vie - divorce, chômage, maladie, etc. Il est donc urgent d'agir dans une logique préventive.
C'est pourquoi nous, associations, appelons à une prise de conscience collective et à la mise en oeuvre de mesures pérennes à grande échelle. Notre "Manifeste pour l'inclusion bancaire en France des populations fragiles" dresse le constat des difficultés liées à l'exclusion bancaire vécues au quotidien par un trop grand nombre de nos concitoyens.
Nous appelons les établissements bancaires à faire évoluer leurs produits et leurs pratiques à destination des clients fragiles. Et cela au-delà des seuls effets d'annonce ou de leur responsabilité sociétale, grâce à un système d'observation, d'incitation et de certification.
Nous attendons de l'Etat qu'il assume pleinement son rôle de régulation en construisant une véritable politique de prévention du surendettement - paroxysme de l'exclusion bancaire - qui devra clarifier notamment le rôle de chacun dans l'éducation et l'accompagnement budgétaires.
Certes, ce projet d'envergure devra être mené de concert avec l'ensemble de la profession bancaire, les services de l'Etat, les collectivités territoriales et les associations, afin de mettre en oeuvre des solutions concrètes et partagées.
Cependant, l'enjeu social est tel qu'il motive à lui seul la mobilisation de tous pour accompagner ces millions de personnes qui ont vu ou pourraient voir un jour leur vie basculer.
Ayons ainsi le courage et l'ambition de faire progresser l'accès aux droits de l'ensemble de nos concitoyens.

Patrick Kanner, président de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale
Jean-François Mattei, président de la Croix-Rouge française
François Soulage, président du Secours catholique

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