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lundi 31 octobre 2011

De nouvelles normes de mesure de la responsabilité sociale


Numéro spécial économie sociale | LE MONDE ECONOMIE | 31.10.11 | 16h02

La microfinance a été conçue comme un outil de développement tout en restant ancrée dans le secteur marchand, ce qui brouille les distinctions traditionnellement établies entre le politique et l'économique, le public et le privé, le commercial et le social.

Malgré une grande diversité d'approches, d'organisations et de pratiques, le secteur est cimenté par des normes partagées, qui ont avant tout été financières, afin depérenniser les systèmes et de soutenir leur croissance.
Elles ont favorisé un modèle commercial, privilégiant les sociétés anonymes par rapport aux organisations de l'économie sociale (ONG, mutuelles, coopératives, associations villageoises, etc.). Dans le sillage des accords de Bâle pour la stabilité financière, la microfinance a été soumise à un contrôle, dit "prudentiel", essentiel pour la sécurité des économies des petits épargnants mais qui a poussé les institutions de microfinance (IMF) à mettre en avant leur rentabilité et à se montrerplus frileuses dans leurs politiques de prêt.
De tels standards ont parfois ouvert la voie à des dérives, telles que des pratiques agressives de recouvrement, des taux exorbitants, ou des crises de surendettement, comme en Inde ou au Nicaragua.
Ces situations restent localisées mais nombre d'institutions tendent à se détournerde leurs publics prioritaires ou à délaisser les services qui avaient fait leur spécificité. Les scandales qui éclatent à propos des pratiques de certains opérateurs mettent aujourd'hui en péril la réputation du secteur.
En réaction, on voit se développer un nouveau pan de normes qui viennentencadrer les pratiques en fonction de considérations sociales. Ainsi, des méthodes innovantes permettent d'évaluer, avec un nombre réduit d'indicateurs, la pauvreté des personnes pour vérifier à qui s'adresse réellement la microfinance.
Des audits et ratings sociaux vérifient que les pratiques des IMF sont en accord avec les objectifs qu'elles affichent. Des mécanismes de responsabilité sociale sont de plus en plus diffusés, sous la forme de principes de protection des clients, de codes éthiques ou de pratiques de protection de l'environnement.
On constate, enfin, un retour en force des études d'impact qui vérifient l'effectivité de ces interventions.
PLATEFORME MIX, RÉFÉRENCE POUR LA TRANSPARENCE
Signe de cette montée en puissance, la plateforme MIX, référence pour la transparence du secteur, publie depuis 2009 des indicateurs sociaux aux côtés des données financières pour les IMF.
Depuis peu, les financeurs du secteur cherchent aussi à réguler leurs pratiques : principes de l'investissement responsable en microfinance élaborés avec les Nations unies, audits sociaux, normes de transparence "environnement, social, gouvernance" (ESG), etc.
De plus en plus d'investisseurs éthiques, comme Oikocredit ou la Fondation Grameen-Crédit Agricole, analysent la nature des pratiques sociales des IMF (taux, ciblage, protection des clients, gouvernance, etc.) avant de les financer.
Le retournement en faveur d'une régulation plus sociale est progressif. Certaines approches - à l'instar des principes pour l'inclusion financière adoptés par le G20 en 2010 - mettent surtout l'accent sur une approche de responsabilité sociale et de protection des consommateurs. Ces principes sont indispensables et la microfinance doit s'y conformer.
D'autres normes veulent renforcer, au travers de la notion de performance sociale, la mission de développement spécifique aux IMF : toucher les pauvres et les exclus, adapter les services à leurs besoins et renforcer leurs capacités.
Des initiatives de certification, par le Sommet du microcrédit notamment, visent àlabelliser les IMF qui se tournent vers les plus pauvres et mesurent l'évolution de leur niveau de vie.
Ces méthodes permettent d'identifier les risques de pratiques préjudiciables pour les clients et de gérer la dimension sociale avec le même professionnalisme que la dimension financière. Elles sont promues depuis une décennie par des praticiens tels que les ONG membres du réseau Cerise ou les organisations rurales affiliées au réseau latino-américain Forolac.
Mais jusque récemment, nombre d'acteurs les jugeaient inutiles, voire encombrantes... Quelle finance veut-on promouvoir pour les exclus des établissements financiers traditionnels ? Les débats sur la régulation de la microfinance peuvent sembler austères au premier abord, mais ils détermineront la nature des systèmes financiers qui touchent la majorité des habitants de notre planète.
Cécile Lapenu et Florent Bédécarrats, chercheuse et chargé de recherches au réseau d'échanges sur les pratiques en microfinance Cerise

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