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mardi 5 juillet 2011

Financement de la TPE : À la recherche du chaînon manquant


«La très petite entreprise est dans un no man’s land financier» ! Voilà le constat saillant qui résume la problématique soulevée par experts et entrepreneurs lors de la 5e rencontre MENA-OCDE sur le financement des PME et TPE, qui a démarré hier à Casablanca, sous la présidence de Nizar Baraka, ministre délégué en charge des Affaires économiques et générales. Un constat qui est certes relevé pour tous les pays de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), mais qui est d’autant plus marqué dans notre pays, qui commence à peine à s’attaquer à ce chantier, alors même que le fléau de l’informel pèse énormément sur l’économie nationale.

Aussi cette situation découle-t-elle du faible attrait de cette catégorie d’entreprises pour le système bancaire d’une part, et l’inadéquation en termes de volume, des financements proposés par la micro-finance d'autre part. En effet, le système bancaire, dit classique, place la rentabilité et la sécurité des crédits débloqués au cœur de ses préoccupations. Or, le financement de la TPE, pris à part, ne répond à aucune de ces deux préoccupations. Côté rentabilité, les frais de gestion mobilisés pour cette catégorie plombent la rentabilité attendue. Pendant que les TPE n’ont le plus souvent que des garanties personnelles pour couvrir leurs créances. En somme, les banques nationales n’ont pas le métier nécessaire pour investir ce segment qui, au passage, recèle des gisements gigantesques pour le développement de leurs activités sur le territoire national. «Nous attendions que la banque postale s’intéresse à cette catégorie d’entreprises, mais elle est finalement restée cantonnée au financement des particuliers», regrette Mohammed Maârouf, directeur exécutif de PlaNet Finance Afrique du Nord.

Reste justement la micro-finance comme ultime canal potentiel de financement. Or, cette dernière, malgré le fait que son système de gestion et de recouvrement s’avère adapté au financement des TPE, ne peut offrir une contribution suffisante pour satisfaire les besoins des petites et microentreprises, qui se situe en moyenne aux alentours de 100.000 dirhams pour l’investissement, sans parler du besoin en fonds de roulement qui est derrière la majorité des dépôts de bilan chez cette catégorie, aux côtés du rallongement des délais de paiement. La TPE qui s’adresse à la micro-finance sera donc sous-financée.

L'État a intérêt à mettre la main à la poche

À la lumière de cette analyse, quatre pistes de solution émergent, avec comme point commun à toutes l’indispensable intervention de l’État pour initier et entretenir la dynamique. La première consiste en l’upgrading des activités de la micro-finance, pour augmenter les encours qu’elle peut distribuer. Mais ni le savoir-faire, ni le cadre juridique nécessaires n’existent. La seconde prône un raisonnement inverse, celui du downscaling d’une partie des activités des banques classiques. Une option qui se heurte néanmoins à de réelles réticences, aussi bien psychologiques que techniques de la part des banques. La troisième piste propose la création de structures spécialisées dans le financement des petites et microentreprises. En mettant en place les systèmes de gestion adéquats, et en mobilisant les ressources nécessaires, cette proposition pourrait s’avérer non seulement réalisable, mais également rentable et génératrice de croissance pour les investisseurs prêts à l’initier. Enfin, la dernière piste, d’ailleurs la plus réaliste, passe par la mise en place d’un fonds dédié aux entreprises de cette échelle. Une solution d’autant plus efficace qu’elle financera les TPE non par la dette, mais par des capitaux propres. Ce qui augmentera leur attractivité pour les banques classiques, et encouragera donc ces dernières à compléter leur financement par la dette.
En somme, un élément incontournable ne fait aucun doute : l’État doit mettre la main à la poche ! Et il y a tout intérêt. Si la problématique semble d’abord économique, elle est bel et bien hautement sociale, sa finalité n’étant autre que la création d’emplois, pour le maintien de la paix et de la cohésion sociales.

Par Othmane ZAKARIA, Journal les Echos 23/02/2011

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