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jeudi 16 juin 2011

J'ai quitté mon poste chez Microsoft pour changer le monde... et j'ai réussi

Quand je travaillais chez Microsoft, je me demandais souvent comment l’argent généré pouvait être utile. J’ai beaucoup voyagé, au Vietnam, au Cambodge, au Népal… Là-bas, j’ai ouvert les yeux : c’était injuste. Pourquoi est-ce que moi, j’avais autant et pas les autres ?

Changer le monde, c'est possible

L’idée a fait son chemin pendant un an, à partir d’avril 1998, quand j’ai visité une école au Népal. Il n’y avait aucun livre dans la bibliothèque. Je n’en revenais pas. Alors je suis revenu l’année suivante… avec 3.000 livres ! J’avais tout simplement envoyé un mail à mes amis en leur demandant de me donner des ouvrages pour enfants dont ils ne se servaient plus. C’est à ce moment que j’ai réalisé que je pouvais changer le monde, et que je devais changer de métier. C'est ainsi que j'ai créé Room to Read.



Room to read

En même temps, j’avais conscience que mon action n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan. Il y a tant de petites œuvres de charité de par le monde… Moi, je voulais faire comme Médecins Sans Frontières : commencer petit et devenir important.

Je me suis d’abord concentré sur le Népal. Aujourd’hui, Room to Read est présent dans neuf pays, bientôt dix avec la Tanzanie. D’autres pays nous attendent, comme le Mozambique, le Brésil… Nous employons 550 personnes à temps plein, 54 antennes à travers le monde où s’engagent 10.000 bénévoles. Nous venons d’ailleurs de lancer une antenne à Paris. En 10 ans, nous avons distribué 9 millions de livres, ouvert 11.000 bibliothèques, 1.500 écoles, fourni des bourses à 12.000 filles.

Room to read

Changer les choses, c’est facile à deux conditions : il faut de l’expérience et ne pas être seul. Si vous voulez agir, vous pouvez rejoindre une organisation. Room to Read par exemple donne aux gens les moyens de changer le monde, à leur niveau.


Finalement, diriger une société ou Room to Read, ce n’est pas si différent. Nous mesurons tout et nous faisons des rapports : combien de bibliothèques ouvertes, combien d’écoles construites etc. Mais le bénéfice d’une œuvre de charité est indirect : vous vous sentez fier à travers le regard des enfants.

Si je devais donner 3 qualités pour faire ce boulot :

- Être bosseur, ne pas compter son temps ;

- Ne pas être timide pour demander de l’argent aux gens. L’argent ne vient jamais à vous spontanément ;

- Garantir aux gens que leur argent sera utilisé à bon escient. Par exemple si une entreprise nous donne 25.000 euros pour construire une école, 9 mois plus tard je retourne les voir pour leur montrer une photo du bâtiment. Cette transparence, c’est une des raisons du succès de Room to Read.

Il faut aussi se lancer. Aux Etats-Unis, on appelle ça le "GSD" : Get Shit Done. Arrêtez de parler, agissez. Vous n’êtes pas obligé de quitter votre boulot. Si vous donnez un euro, on pourra imprimer deux livres. C’est en se réunissant qu’avec des petites actions, on finira par en faire de grandes.

J’ai beaucoup d’admiration pour Bill et Melinda Gates. Ils sont beaucoup plus puissants que moi, en termes financiers et d’influence. Seulement nous avons un point commun : nous voyons les choses en grand et à long terme. Nous avons beaucoup d’ambition et nous avons la même vision des choses : sans apprentissage de la lecture, n’espérez aucun changement.


Donner de la nourriture, c’est bien mais ce n’est pas suffisant. Si vous offrez un sac de riz à une famille, deux semaines plus tard elle aura encore faim. Ce n’est pas une solution à long terme. Qu’est-ce qui peut les aider à acquérir leur autonomie ? L’éducation est la seule réponse. Tout le monde nait égal, avec le même cerveau. Seulement, comment faire pour que ce cerveau se développe au mieux ?

Retourner à Microsoft ? Certainement pas. Pour réussir un projet, il ne faut pas se disperser. Ces enfants ont besoin de tout mon temps. Je sais que je pourrais gagner dix fois plus d’argent si je retournais chez Microsoft, mais ce n’est pas ça qui compte. Ma motivation, ce sont les enfants. Quand j’en vois un plongé dans un livre … Comment vous dire ? Cela m’inspire énormément. Et ce qui me motive encore plus, c’est de penser à tous ces enfants qui ne savent pas encore lire.


Le moteur, c’est aussi de se sentir utile.



Vous me trouvez fou ? Aucun rêve n’est réaliste. Mais qui aurait cru que Gandhi arrive à l’indépendance de l’Inde de manière pacifique ? Et puis, comme vous dîtes ici : impossible n’est pas français ! Par ailleurs, mon projet n’est pas si fou que ça car il est jalonné d’objectifs. Pour la fin de l’année, on vise 6 millions d’enfants. Et d’ici 2040, on vise 25 millions : c’est réaliste.


Plus de renseignements sur Roomtoread.org.

Pour vous impliquer, écrivez à rtrparis@gmail.com.

In le nouvel Observateur

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